Depuis la création du cinéma parlant et des premières projections, il y eut des tentatives pour promouvoir ou diffuser des morceaux de musiques et des chansons. Pourtant, sans vouloir les minimiser, c’est véritablement avec l’invention et la démocratisation de la télévision que sont apparus les premiers ancêtres véritables de ce que nous appelons aujourd’hui, un clip. Certains se souvienent sûrement des Scopitones des années 60/70. Avec le temps, le terme a, quelquefois, désigné ces premiers clips qu’on diffusait quelquefois à la télévision. Au départ, toutefois, les Scopitones étaient destinés à une véritable machine à diffuser de la musique et de la vidéo, et qui s’apparentait un peu à un juke box. Si l’innovation a marqué les esprits, avec le recul, on pourrait être tenté de relativiser le succès de toute l’affaire. Le catalogue des Scopitone n’est, en effet, riche que de 700 clips. A l’ère du numérique et au moment où youtube met en ligne, chaque minute, près de 48 heures de vidéos, cela peut paraître peu. En réalité, c’est énorme pour l’époque. On ne connaissait alors d’artistes dans les grands médias que ceux produits par les majors. Suites à l’arrivée des Scopitone, les artistes les plus renommés et fortunés des années 60-70 (les Whos, les Stones, les Beattles, David Bowie, etc) ont continué à produire divers documentaires dont certains avec des visées de promotions de leur single. Là encore, il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Cet ancêtre du clip n’est diffusé que quelques fois sur les télévisions. Les fans sont heureux de pouvoir y voir ses chanteurs ou groupes préférés. L’objectif reste alors que les gens aillent acheter le single pour pouvoir le réécouter tout à loisir. Même si certains efforts créatifs se développent, on n’est encore loin de la production de masse que connaîtront les clips, dans le courant des années suivantes.
La révolution du genre
La véritable révolution du clip débute dans les années 80, avec l’avènement de programmes, puis de chaînes de télévision spécialisés dans la diffusion de musique. Il semble que les premières émissions de ce genre soient nées en Australie. La télévision n’étant pas la radio, une fois ces programmes lancés, ils ont eu naturellement besoin de contenus audio et vidéos. Il fallut donc en faire produire. Un créneau supplémentaire s’ouvrait devant les artistes et les majors. Ceci eut aussi pour conséquence que certains réalisateurs s’essayèrent au genre. La course au clip mais aussi à la créativité étaient ouvertes. Pour faire un bon en avant, on ne peut absolument pas dissocier le décollage du clip vidéo, de la naissance de la chaîne de télévision MTV. Nous sommes en 1981. La chaîne se met à diffuser de jour, comme de nuit. Avec une très large diffusion, elle partira bientôt à la conquête du monde. En France, pendant ce temps, les radios libres explosent et on commence à voir certaines d’entre elles se spécialiser, elle aussi, uniquement dans la diffusion de musique pop, en provenance des Etats-Unis. L’ère de la « World music » est en marche.
Les codes de la publicité
Au niveau créatif, le clip subit, alors, de plus en plus, l’influence des codes de la publicité. C’est un format court mais il laisse place à l’écriture. En un mot, il y a suffisamment de temps pour raconter une histoire. Créativité débridée, images fortes, univers scénarisés et fortement visuels. Les codes du clip commencent à se démarquer et à naître comme un genre à part entière. Les images viennent soutenir la musique ? Pas seulement, quelquefois elles la débordent pour venir frapper les imaginations. Certaines stars comprendront assez vite l’importance du clip pour la diffusion de leur musique, autant que pour l’établissement de leur réputation. En 1983, Michael Jackson frappe fort avec un clip qui restera dans les mémoires : Thriller. Super production qui frise le million de dollar, univers cinématographique réglé au millimètre. Derrière la caméra, c’est le célèbre réalisateur John Landis qui se prête à l’exercice. D’une certaine façon, une nouvelle ère est née qui consacre le clip comme un art qui peut-être majeur si on y met les moyens. Michael Jackson sera un des maîtres du genre. Ses clips enchaîneront les succès. Il ne sera pas le seul à s’engouffrer dans la réalisation. De fait, la course est lancée et on retrouvera, bientôt, dans les clips, tous les univers. Certains joueront même la carte du sulfureux ou de la provocation. On se souvient de ceux de Madonna. Musique pop, images « sexy chocs », les retombées sont là. La popularité de certaines grandes stars américaines n’aurait jamais pu atteindre les sommets qu’elle a atteint sans le soutien du clip et sa diffusion via des canaux comme MTV. Pour faire une star, en plus de la musique, le clip est devenu un instrument de victoire. Au passage, il s’est aussi affirmé comme un art.
En France, les artistes suivront le mouvement. Romantique, fictionnel, allégorique, visuel, provocateur quand les chanteuses s’éffeuillent ou jouent avec les codes de la sexualité en montrant presque tout. Etienne Etienne de Guesch Patti ou les dérives gothiques et fétichistes d’une Mylène Farmer. Ce n’est pas notre bon vieux Gainsbourg et son Lemon incest de 1985 qui le désavouera. Il a lui-même tout compris et plus vite que bien d’autres quand il s’agissait de provoquer.
La provocation comme arme de diffusion ?
Les années 2000 consacre l’ère du clip comme instrument de buzz. Pour faire parler de soi et vendre, il faut interpeller, provoquer au besoin. Si le titre est censuré, on se battra encore plus pour le voir. Bien sûr, tout le monde ne cherche pas cela mais, rétrospectivement, ce nombreux grands succès ou buzz semblent bien être venus de cette recette. C’est un peu comme dans la pub. La carte est celle de l’émotion. L’indifférence est le pire qui puisse vous arriver.
Hormis cela, la dimension visuelle s’est totalement mélangée fusionnée avec le titre. On achète la musique et on l’écoute, en se repassant mentalement le clip. Bien malin qui pourra dire lequel prend le pas sur l’autre. Dans les années 80, souvent on traînait chez le disquaire du coin pour écouter des titres et choisir ses albums. Bien sûr, on avait aussi ses groupes ou ses artistes inconditionnels, ceux que l’on suivait et dont on attendait les sorties. depuis les années 90, l’ère de la MTV a bousculé un peu la donne. Avec le clip, on découvre les deux à la fois. Le média est devenu stratégique. Quelquefois même, le clip peut-être très loin, voire même sans aucune relation avec les paroles. Plus qu’une simple illustration du contenu de la chanson, le clip devient alors la signature de l’artiste, sa manière de se raconter et de susciter les émotions. De nos jours, quelque soit son genre musical, Pop, R&B, Rock, Rap, pour s’imposer comme chanteur et/ou compositeur dans le monde de l’image, il faut un clip. Internet ne démentira pas la tendance, bien au contraire.